• Ferrari: interview

    Je vous invite à lire une interview que Patrick a accordée au lendemain de la première du film à Venise.

    Si on vous dit Patrick Dempsey, vous pensez sans doute au Dr Derek Shepherd, alias « Dr Mamour », le personnage qui l’a rendu célèbre dans la série Grey’s Anatomy (dont il était l’un des piliers pendant onze saisons). Un acteur, vu notamment aux côtés de Renée Zellweger et Colin Firth dans Bridget Jones Baby ou dans le rôle de l’inspecteur Mark Kincaid dans Scream 3 et 4, qui est aussi pilote automobile.

    Deux carrières qu’il conjugue dans Ferrari de Michael Mann, un des films événement de la Mostra cette année, où il incarne Piero Taruffi. Un rôle secondaire… mais un rôle passion. « J’étais simplement heureux d’être là », confie l’acteur au Soir, tout sourire au lendemain de la première mondiale du film à Venise. « Oui, j’aurais aimé jouer plus de scènes avec Adam (Driver, qui incarne Enzo Ferrari, lire ci-contre, NDLR). Mais j’ai conduit quinze heures par jour. C’était le paradis. Peu importe l’importance du rôle, c’était un grand rôle pour moi. »

    Lorsque vous parlez de Michael Mann, vous dites qu’il est « le maître de la forme ». Qu’est-ce qui le différencie des autres réalisateurs ?
    Son souci du détail, son endurance, son engagement et la profondeur de ses recherches. Il enregistre tout avec tout le monde. Cela fait 30 ans qu’il travaille sur ce film. Son engagement pour obtenir ce qu’il veut est remarquable. Il ressemble beaucoup à Ferrari pour cela. Il y a beaucoup de Michael dans ce film, dans sa discipline, son éthique de travail. Son sens visuel est tout simplement incroyable. Il saisit tous les aspects, avec une infinie précision. Michael est un maître, et le fait d’avoir l’occasion de le côtoyer et d’apprendre de lui a été important pour moi.

    Le tournage ressemblait donc à un sport sérieux…
    Oui, très sérieux et très dur. Avec lui, tout est réglé au millimètre. Il est comme votre général. Il vous prend avec lui et vous le suivez dans la bataille. Sans poser de question.

    Dans la vie, vous êtes acteur mais aussi pilote automobile. Est-ce plus complexe d’incarner un personnage potentiellement proche de vous ou de ce que vous admirez ?
    Aujourd’hui, j’ai envie de me tourner vers des choses différentes, qui me mettent au défi. Je vieillis, donc les rôles « romantiques » changent. De ce fait, il est plus question du personnage, de surprendre les gens et de me mettre dans des situations moins confortables, ce qui me fait travailler plus dur. Ce qui m’a plu dans ce film, c’est d’avoir une petite transformation physique, avec les cheveux (blancs, NDLR). C’était amusant d’avoir une apparence différente. Puis je connaissais l’histoire de Taruffi, et je pense qu’il n’a pas vraiment reçu l’attention qu’il méritait parce qu’il a survécu. Alors qu’à l’époque, beaucoup de pilotes mouraient très jeunes. J’aurais tout fait pour être dans ce film, et j’ai travaillé Michael au corps pour que ce soit le cas. C’est un scénario que j’adore. Je l’ai découvert il y a peut-être 15 ans. Ça fait 30 ans qu’il travaille dessus. Le tournage était vraiment le paradis. J’ai conduit toute la journée, en Italie, j’ai bien mangé… C’était une combinaison de tout ce que j’aime.

    Qu’est-ce qui vous plaît tant dans la course automobile ?
    C’est une véritable passion. C’est une addiction. C’est une euphorie. Avec un esprit de camaraderie, et une vraie conscience des choses. Quelque chose dans la chimie de votre cerveau change quand vous courez. Vous vous sentez plus vivant parce que vous êtes conscient que quelque chose pourrait arriver et que vous pourriez être gravement blessé ou mourir. Cela donne à la vie une perspective différente. Vous êtes tellement concentré que vous êtes dans l’instant. Il y a cette belle citation de Steve McQueen (dans « Le Mans », NDLR) : « Il y a la course. Et tout le reste, c’est de l’attente ». Il y a beaucoup de vérité dans cette phrase dont j’aurais aimé être l’auteur.

    Jouer demande la même concentration ?
    C’est davantage le cas au théâtre. Parce qu’on est dans l’instant alors que le cinéma est beaucoup plus compartimenté et haché. La concentration n’est donc pas la même, à moins de tourner un long plan sans interruption. Et c’est ce que j’apprécie au cinéma, par rapport à la télévision, et certainement avec Michael : avoir de longs plans. Parce qu’il faut être présent. Même si c’est quelque chose qui arrive rarement aujourd’hui à cause du montage, etc. Je pense par contre que la capacité à se concentrer et à rester discret en public est très similaire à la course automobile. Les gens ont les yeux rivés sur vous, mais vous êtes dans une coquille. Vous êtes protégé par ça. Dans la voiture, il y a aussi un isolement, une solitude, surtout dans une course d’endurance, la nuit. Il faut être centré, travailler sur l’aspect mental. C’est ce qui différencie les bons pilotes des grands pilotes. C’est quelque chose que le public comprend différemment aujourd’hui et c’est pour ça que le sport se développe si bien. Et je pense que c’est la raison pour laquelle ce film a finalement vu le jour après 30 ans. Il y a un appétit pour ce genre de choses. Il y a une compréhension et une compassion pour ce sport. Et c’est pour cela que je suis ici, pour promouvoir le sport au milieu de la grève (des scénaristes et des acteurs à Hollywood, NDLR).

    Pensez-vous que cette grève va changer les choses ?
    Je vais me contenter de parler des auteurs, sans entrer dans des considérations politiques. Je comprends ce que revendiquent les scénaristes. Il faut mettre en place un programme d’apprentissage pour développer l’art de l’écriture, pas celui de vendre. Ecrire est quelque chose qui se travaille, qui se développe. C’était le cas pour quelqu’un comme Hemingway par exemple, qui a écrit et réécrit ses textes. Ce sont les valeurs sur lesquelles nous devons nous concentrer. Nous avons tous besoin les uns des autres. C’est un peu comme dans une équipe de course. Il y a un ingénieur, un pilote, et ils doivent collaborer. Oui, la course automobile est quelque chose de coûteux. Mais quelle est la bonne chose à faire ? Laissons l’ego de côté : nous faisons du tort à tant de gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et qui entourent notre communauté. Nous devons penser à eux. Vous pouvez avoir un gros bateau, cela ne vous apportera rien. Mais si vous écrivez quelque chose de bon, ça a une valeur inestimable. Ce sont les valeurs que nous devons promouvoir auprès de nos auteurs, de nos acteurs…

    Avez-vous déjà été confronté à une sorte de « discrimination artistique » dans le monde du cinéma du fait de votre travail en télévision ?
    Les gens ne vous connaissent que par ce que vous avez fait en dernier. C’est donc à moi de faire attention à mes choix. C’est le cas de tous les acteurs. J’ai bénéficié d’une tribune qui m’a permis de voyager dans le monde entier et d’être reconnu. J’en suis reconnaissant. Ça peut aussi vous enfermer, dans une attente de ce que vous êtes autorisé à faire et d’autre pas. Mais c’est à vous de briser cela. La grande question est de savoir si le public l’acceptera. Vous devez y être attentif aussi.

    Aujourd’hui, les séries ont énormément de succès alors que le cinéma semble patiner…
    Je pense que les choses sont en train de changer. Et que les gens veulent revenir en arrière. C’est mon cas. Je veux vivre une expérience commune (au cinéma, NDLR) parce que j’ai été isolé à cause du covid J’ai regardé énormément de très bonnes choses en streaming. Mais je pense que nous allons maintenant dans une nouvelle direction. La technologie change. La narration évolue grâce à des choses comme TikTok. Les jeunes réalisent des films courts. C’est donc agréable d’avoir un film qui a un début, un milieu et une fin, et de ne pas se soucier de l’aspect épisodique des choses. C’est une période fascinante. C’est un grand changement. source


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