• Interview pour Esquire

    Alors qu'il était à Singapour à la mi-septembre pour le lancement de la montre Tag Heuer Globetrotter, Patrick a accordé une interview destinée à l'édition malaysienne du magazine de mode masculine Esquire, et intitulée "Patrick Dempsey fait tout ce qu'il peut avant que le soleil ne se couche sur lui".

    Découvrez le photoshoot réalisé à cette occasion.

    0aS5hR.jpg

    Quand nous nous rencontrons, Dempsey est un peu "dans la lune". Arrivé à Singapour quelques heures avant notre entrevue, il révèle que le reste de la journée est chargé - il est ici en tant qu'ambassadeur de TAG Heuer et il va rencontrer la presse et du public avant de s'envoler à deux heures du matin pour Los Angeles, un jour, puis à Montréal pour un tournage. "J'ai déjà connu plus court", dit-il, balayant d'un revers de la main les inquiétudes au sujet de son programme chargé. "Un jour, j'ai dû aller en Espagne pour dîner, puis repartir après. On s'y fait."

    Pourtant, il est joyeux et tout sourire. Il n'a pas l'air fatigué, plus vieux, oui ; comme nous tous, peu importe notre statut, nous tombons sous le joug du temps cruel, mais Dempsey le fait brillamment - quelques cheveux blancs, la barbe naissante, les contours de la carte diffusés sur son visage. Il est bigrement simple. Il avoue qu'il a voyagé seul ; pas de manager, pas d'entourage, juste lui. Il préfère ça, ajoute-t-il.

    Dempsey est actuellement impliqué dans la production de La Vérité sur l'affaire Harry Quebert. Adapté du livre du même nom de Joël Dicker, c'est une histoire finement ciselée sur un homme accusé de meurtre. Le livre s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires. Dempsey l'a lu avant même qu'on lui offre le scénario, mais en dehors du rôle de Quebert ("C'est vraiment tout à fait différent de ce que j'ai fait par le passé"), ce qui l'a vraiment excité, c'est le fait que Jean-Jacques Annaud soit à la réalisation. "J'apprends beaucoup avec lui. Nous tournons avec trois caméras", explique Dempsey. "Donc, il y a un plan large, un gros plan et un autre gros plan qui reprend tout à la fois. On enregistre tout, puis on passe à la scène suivante."

    Produit par Epic et MDM Television, La Vérité sur l'affaire Harry Quebert sera une série de dix épisodes. Dempsey trouve que l'adaptation à la télévision est appropriée ; au lieu de condenser les 670 pages du livre en un format conventionnel de 90 minutes, prendre le temps de raconter l'histoire et de développer des personnages est une option plus prudente. Il y voit la preuve du changement des tendances concernant la façon de regarder la télévision. "Je pense que les gens aiment binge watcher. C'est là où on en est maintenant avec la technologie. Bien sûr, cela pourrait éventuellement changer."

    Avant cela, Dempsey était enfermé dans son rôle dans Grey's Anatomy. Son personnage, le Dr Derek Shepherd, a été un succès auprès des téléspectateurs. Mais alors que cela lui assurait une longue carrière, interpréter "McDreamy" l'a finalement enfermé dans le rôle du bourreau des cœurs. Sa présence au cinéma consistait surtout à tenir le premier rôle dans des comédies romantiques (Enchanted, Made of Honour, Bridget Jones’ Baby) et il avait peu souvent l'occasion de jouer quelque chose de dramatique. "Jusqu'à ce que les gens le voient, ils ne croient pas que vous êtes capable de le faire."

    Puis, la lumière au bout d'un long tunnel : il a attrapé le virus de la course automobile. "J'ai commencé à courir dans de petites séries, et trois ans après, je me suis demandé, est-ce possible de faire ça ?"

    Son amour pour les voitures a commencé à un âge précoce. Il se souvient que son père lui ramenait des voitures Matchbox. Il lisait attentivement les magazines sur les voitures ; en voyant les contours des phares plonger vers l'arrière de la Jaguar XK120, le jeune Dempsey ne pouvait pas croire qu'une telle chose pouvait être possible ou même exister. Sa famille vivait dans une région où il regardait les voitures passer. "Je voyais des voitures originales, ce qui était rare parce que je vivais dans une ville rurale du Maine", explique Dempsey. "Ce n'est que lorsque je suis arrivé à Los Angeles que j'ai été époustouflé par ce qui se passait sur la route. Je ne pouvais pas croire que les gens pouvaient s'offrir ces voitures-là."

    Son père avait l'habitude de faire de la compétition automobile, et peut-être que cela a déteint sur Dempsey. Il peut s'imaginer l'accélération du moteur, l'odeur persistante de l'essence, la façon dont l'adrénaline se propage dans son corps quand il est au volant, toutes ces choses et bien plus encore. L'élément de danger est toujours là, comme une arrière-pensée, mais Dempsey le rejette de son esprit, parce qu'une fois qu'on est au volant, il faut affronter le présent ; penser aux accidents de la route devient un non-problème.

    Dempsey était réaliste quant à ses chances en tant que pilote professionnel. Non seulement il était presque impossible d'être professionnel à son âge, mais il était emporté par le rythme de Grey's Anatomy. "Etre un acteur qui pilote des voitures de course, c'est conflictuel par nature", dit Matt Stone, un écrivain automobile. "Les studios doivent fonctionner selon un calendrier. La course par nature consume terriblement les temps de pause." Alors, Dempsey a brûlé ses bougies par les deux bouts, en mettant en équilibre le métier d'acteur avec la saison des courses automobiles, mais parfois, l'équilibre a basculé ; alors que sa célébrité l'a aidé à trouver des sponsors (Dempsey avoue avoir une "relation fantastique avec TAG Heuer"), le tournage prenait sur son temps d'entraînement. "Donc, c'était impossible d'être professionnel", dit-il, "mais je savais que je pouvais aller loin en tant que pilote pro-am (professionnel-amateur) dans les courses d'endurance."

    Né et ayant grandi à Lewiston, dans le Maine, Dempsey n'était pas destiné à y vivre le reste de sa vie. Un de ses premiers contacts avec le divertissement, c'est quand son professeur d'atelier mécanique lui a appris à jongler. Dempsey a acquis les compétences et a fait son numéro lors des fêtes d'anniversaire le week-end ; il a voulu rejoindre un cirque, mais il n'a pas été accepté. A 12 ans, on a découvert qu'il était dyslexique, ce qui est particulièrement important pour les acteurs qui ont besoin de lire des scénarios. C'était un obstacle plus important à l'époque. Il n'y avait pas beaucoup d'information sur la maladie et le diagnostic a été posé tardivement (les choses qui se produisent tard dans la vie de Dempsey semblent être un thème dominant) alors il a développé d'autres façons de lire, de comprendre les mots écrits sur une page. "J'ai développé des compétences pour stimuler cette partie du cerveau, pour combler ce qui était déconnecté."

    Il est parti de chez lui à 17 ans pour aller à New York afin de poursuivre une carrière d'acteur. New York, à l'époque, se souvient-il, était "dangereux". Il a passé des auditions, joué la comédie, vécu "d'eau fraiche et de hot-dogs" mais c'est une expérience qu'il a vécue avant de décrocher son premier rôle dans In the Mood à 21 ans. Cette dynamique de carrière l'amènera finalement à Grey's Anatomy. "J'ai été bloqué dans cette série pendant 10 ans", dit Dempsey, "alors, cela a éliminé de nombreuses opportunités parce que j'avais très peu le temps de poursuivre des projets liés au cinéma. Avec les courses automobiles qui avaient lieu pendant la pause de Grey's, je n'avais aucune envie de faire un film." Donc, il est resté dans la série jusqu'à ce qu'il en soit arrivé au stade où il restait peu de choses à découvrir avec son personnage. Il passait trop de temps loin de sa famille et la possibilité de courir une saison complète dans le WEC (World Endurance Championship) avec Porsche s’est présentée. Dempsey n'a pas voulu rater cette opportunité.

    Evoquant les inquiétudes concernant son départ, il a déclaré : "Les gens ne voulaient pas que je change, ils ne voulaient pas que je passe à autre chose, et certainement pas les fans, et c'est compréhensible. Je comprends ça. Mais ils peuvent toujours revoir les 250 épisodes dans lesquels je suis." C'est toujours difficile de quitter quelque chose de sûr et de confortable, mais Dempsey a une vision plus nuancée : "Cela nous ramène à l'idée de changement : vous n'évoluez pas si vous ne changez pas. Ne pas changer signifie stagner, cela signifie qu'il y a une atrophie." Et afin d'éviter la stagnation, Dempsey s'est engagé dans la course d'endurance.

    C'est la plus ancienne course de voitures d'endurance au monde. Les 24 Heures du Mans se tiennent chaque année en juin sur le circuit de la Sarthe, un circuit semi-permanent qui a connu plusieurs configurations en 94 ans d'exploitation. La piste asphaltée de 13 km soumet les pilotes et leurs voitures à rude épreuve. Si la vitesse est reine ici, la technique est sa jumelle de facto ; avant même de monter dans la voiture, les pilotes ont déjà pensé des milliers de fois à la façon de rouler. Pour Dempsey, le terrain mental est la clé. "Je pense que la méditation est très importante. Même si je ne fais pas de TM [méditation transcendantale]. Je m'assieds le matin et je respire. Je me calme, je laisse courir mes pensées. J'encourage mes enfants à le faire aussi."

    Sa relation avec la course a également aidé son jeu d'acteur. Le niveau de préparation et la concentration nécessaire sur le circuit se traduisent dans ce qu''on attend de lui devant l'objectif de la caméra.

    On fait souvent la comparaison avec Steve McQueen. Tous deux sont des acteurs qui travaillent et qui sont aussi pilotes de course. "On grandit avec les images de McQueen et du Mans", s'enthousiasme Dempsey. "McQueen n'a jamais fait Le Mans mais moi, oui, quatre fois, et finalement, je suis monté sur le podium." En 2015, la Dempsey Racing est arrivée deuxième. Il y a des vidéos d'un Dempsey exalté qui serre les poings, les yeux plissés de joie. Quand on lui demande ce qu'il pense de la course, sa voix se casse alors qu'il déborde de remerciements et d'amour. On a l’impression que c’est le moment le plus important de sa vie et que rien ne l'empêchera d'aller plus loin.

    Et puis quelques mois plus tard, Dempsey annonce qu'il renonce à la course. Cela survient après qu'il ait remporté le Championnat du Monde d'Endurance FIA 2015 à Fuji, au Japon, après 68 courses, après une saison prometteuse pour sa carrière. Dempsey met tout de côté et publie une déclaration pour dire qu'il se concentrera dorénavant sur "la famille et le métier d'acteur". Il reste propriétaire de la DempseyProton Racing. "Ce fut vraiment une décision très difficile", dit Dempsey. "J'adore la course. J'aime l'univers. J'aime la compétition. J'aime l'expérience spirituelle et émotionnelle que cela vous procure. Il y a une très courte pause comme s'il se fait à la réalité de sa situation. "Mais je savais que si j'arrivais au niveau suivant de la compétition, il faudrait un engagement à temps plein. Même dans une catégorie AM, ces pilotes sont concentrés à 100%."

    Si Dempsey avait été plus jeune avec moins de responsabilités, et pas d'enfants, il y aurait été à fond. Mais il n'est rien de tout ça. C'est un homme qui est solide dans le présent. "Je ne voulais pas foirer la compétition. J'ai dû prendre du recul pour réévaluer mes options. De plus, si je n'avais pas atteint mes objectifs, cela aurait été beaucoup plus difficile, mais une fois que je les avais atteints, ça m'allait", dit-il.

    "Malheureusement, quand vous êtes dans une série, vous courez après le temps parce qu'il n'en y a pas assez. Vous devez en trouver. Donc, j'ai pris une année sabbatique pour rester chez moi, avec ma famille afin d'examiner ce que je voulais faire après. Donc, je pense que Harry [l'affaire Quebert] va dans la bonne direction, et travailler avec Jean-Jacques est certainement la direction dans laquelle je veux aller. L'expérience que j'ai vécue avec Porsche et la qualité de la préparation est vraiment ce dont je dois appliquer dans ma carrière d'acteur. Je commence à ressentir ce type de concentration et d'énergie avec le projet dans lequel je suis actuellement."

    Dempsey fait beaucoup de choses maintenant. En raison de la diversité des mondes qu'il occupe - compétition automobile, travail philanthropique, comédie - il y a des aspects sur lesquels il travaille qu'il trouve satisfaisants et pourtant, il ne fait pas plus que ce qu'il est capable de gérer.

    Il trouve que L.A.est une bulle et prône ainsi l'importance du voyage. C'est la seule façon d'avoir une meilleure idée de la façon dont vit le reste du monde, ajoute-t-il. Cette vision du monde est déjà tempérée par sa période en tant que pilote de course qui l'a vu voyager énormément. "Vous ne pouvez pas vous prendre trop au sérieux. J'ai juste un métier qui est très visible, mais je ne suis ni meilleur ni pire que n'importe qui."

    En dehors de la Californie, il considère une petite maison située sur un lac à Jacksonville, au Texas, comme sa maison ; cette dernière semble lui convenir mieux. Son Instagram est truffé de ses excursions au Texas, parfois chez un marchand de tartes local, une autre fois sur un bateau, en train de pêche. Il n'y a pas de #lookdujour sur son compte ; juste des tranches de sa vie, des choses dans lesquelles il est. "Je ne mets aucune légende", souligne-t-il. "C'est juste pour titiller les gens, les amener à s'impliquer."

    Alors qu'il est en en train de travailler sur La Vérité sur l'affaire Harry Quebert, Dempsey produit un documentaire sur le pilote de course automobile américain, Hurley Haywood. Il croise les doigts pour réussir à le terminer d'ici la fin de 2017.

    Il y a une autre raison pour laquelle il aime la course automobile : c'est la relativité du temps. "En course, quand vous êtes rapide, tout ralentit. Je pense qu'il est important d'accepter le changement", dit Dempsey, ses traits s'adoucissant alors qu'il énonce une prise de conscience qui semble s'être produite il y a des années. "Et le changement est le temps. Les choses avancent toujours. C'est important d'être présent, ça conduit à la pleine conscience et à être dans le moment présent. C'est ce que la course m'a vraiment appris. C'est ma relation au temps, et c'est pour être présent. J'apprécie la vie maintenant, en prenant mon temps pour passer à ce qui va suivre. Et c'est rare pour moi."

    Et puis il est temps d'y aller. Dempsey sourit chaleureusement. Il tient à vérifier le reste de sa liste avant de sauter dans le prochain avion pour pourchasser à nouveau le soleil. source


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :